CALAIS - « Il faut que les autorités reconnaissent l’impasse mortifère à laquelle conduit la politique actuelle »
Au lendemain du naufrage d’une embarcation au large de Calais qui a conduit à la mort d’au moins 27 personnes qui tentaient de gagner les côtes anglaises, le Secours Catholique dit son émotion, mais aussi sa colère et pointe la responsabilité des autorités françaises et anglaises.
entretien avec Laurent giovannoni, responsable du département accueil et droits des étrangers au secours catholique |
Notre réaction immédiate à ce drame a bien entendu été l’émotion, une grande tristesse, et le besoin de recueillement. Mais très vite, c’est surtout une immense colère qui nous saisit.
Une immense colère envers les autorités françaises et anglaises, car ce sont elles qui sont les véritables responsables de ces drames. En rendant depuis des années les conditions de vie insupportables pour les exilés, elles les privent de toute issue.
Ce faisant, ce sont elles qui, littéralement, poussent les personnes migrantes dans les bras des passeurs. Les passeurs sont la conséquence d’une politique qui bloque toute issue pour les personnes.
Trois facteurs conduisent à cette impasse. Le premier, ce sont les conditions de vie intolérables entretenues par les autorités sur le littoral, via une politique répressive et policière de harcèlement et d’expulsions quotidiennes, conduisant à des traitements humains dégradants. Ces derniers ont été dénoncés par de multiples voix, en vain.
Dernièrement encore, trois grévistes de la faim ont demandé la suspension de ces traitements dégradants, mais ils se sont vus opposer un refus catégorique, rien n’a bougé. Le harcèlement policier que subissent les exilés est un signal qui leur dit : partez ! Cela les incite à partir aussi vite que possible et donc à prendre tous les risques pour le faire.
Le deuxième blocage en cause, c’est l’impossibilité pour les exilés d’avoir accès à une procédure en France, en raison des accords de Dublin. On leur propose des hébergements à 200 kms de Calais, mais pour quoi faire, puisqu’ils ne peuvent demander l’asile en France. Ne pas lever la procédure Dublin, c’est à nouveau leur dire : vous n’êtes pas les bienvenus en France, vous n’y avez pas d’avenir, partez !
Ne pas lever la procédure Dublin, c’est leur dire : vous n’êtes pas les bienvenus en France, vous n’y avez pas d’avenir, partez !
Mais ils ne peuvent pas partir – et c’est le troisième blocage –, car la France a accepté d’être le garde-frontière des Anglais et d’empêcher les personnes de rejoindre légalement la Grande-Bretagne. Sans solution légale, les gens prennent, encore une fois, tous les risques pour tenter de partir.
Il faut revoir complètement la façon dont la Grande-Bretagne et la France appréhendent la présence des exilés sur le littoral, c’est-à-dire revenir sur les trois blocages énoncés précédemment : que les personnes puissent être accueillies dans de bonnes conditions au sein de petits lieux d'accueil disséminés tout le long du littoral, afin qu’elles se posent et réfléchissent à leur projet. C’est-à-dire soit demander l’asile en France (cela suppose de lever la procédure Dublin), soit rejoindre légalement la Grande-Bretagne (cela suppose de travailler à établir ces voies légales). Nous espérons que ce drame va ouvrir les yeux des autorités.
Nous savons que le Vatican a suivi de près le mouvement des grévistes de la faim dans le Calaisis, que le pape François est extrêmement sensible au sort des migrants. Nous espérons que le pape va inviter Emmanuel Macron à faire une opération vérité et reconnaître l’impasse mortifère à laquelle conduit la politique répressive menée actuellement et depuis des années.
Nous espérons que le pape va inviter Emmanuel Macron à faire une opération vérité.
Reconnaître cela, c’est changer les conditions de vie des exilés sur le littoral, et offrir des perspectives et un avenir à ces personnes. Car il ne faut pas oublier qu’elles fuient des pays ravagés par la guerre ou des régimes dictatoriaux. Elles ne sont pas là par plaisir.