Des bénévoles parlent de leur engagement
Au Secours Catholique, la solidarité prend une diversité de formes et s'incarne dans autant de visages. Jeunes et moins jeunes, actifs comme retraités s'impliquent, régulièrement ou de manière plus ponctuelle, avec les personnes fragilisées, pour que recule la pauvreté et transformer notre société. Nous proposons ici à votre lecture des portraits de bénévoles qui témoignent des richesses de cet engagement fraternel.
Engagé avec les Young Caritas de Seine-et-Marne, Souleymane, 29 ans, s'implique auprès de jeunes migrants en attente d'un statut. Rencontre avec lui lors d'une semaine en haute montagne qu'il a initiée avec d'autres "Young".
Maillot de l’équipe nationale de Guinée sur le dos, Souleymane Bah plaisante dans sa langue natale, le peul. À la montée dans la cabine du téléphérique de la Meije (Hautes-Alpes), toute différence a disparu entre ce bénévole "Young Caritas" (le nom que se donnent les jeunes engagés avec le Secours Catholique) de 29 ans et les trois jeunes demandeurs d’asile âgés de 24 à 26 ans qu’il accompagne. Comme eux, Souleymane est originaire de Guinée Conackry. Comme eux, il découvre avec émerveillement la haute montagne, encadré par les alpinistes bénévoles de l’association 82-4000.
Ces jeunes, qui sont devenus des amis, il les a rencontrés l’automne dernier, dans un campement de fortune, à Mincy (Seine-et-Marne), où ils vivent avec plusieurs dizaines de requérants de l’asile. « On a rapidement été acceptés, on a pu installer notre table au milieu des tentes et des caravanes », se rappelle Souleymane, qui se rend régulièrement sur place avec Marc et toute l'équipe des Young Caritas.
« On offrait des boissons chaudes et des choses à grignoter, on écoutait de la musique. On essayait de créer du lien, de comprendre comment aider ces jeunes dans leurs démarches administratives. Et puis on a eu envie de proposer des activités conviviales. » Il y a eu la fête organisée pour Noël, puis les sorties randonnée et pique-nique dans la forêt de Fontainebleau, histoire de se dégourdir les jambes et de se changer les idées… Jusqu’à cette semaine sportive en montagne, que Souleymane reconnaît « kiffer tout autant qu’eux ».
J’ai tout de suite été séduit par le projet et la bienveillance de l’équipe, l’ambiance chaleureuse, le sens de l’accueil…
Souleymane a rejoint le Secours Catholique de Seine-et-Marne il y a trois ans, à un moment délicat de sa vie. « Je suis arrivé en France en 2008, à la suite de mon frère. J’avais 16 ans. J’ai passé mon Bac, commencé des études de commerce… Mais j’ai abandonné en cours de route. » Souleymane rêve de football. Il fait circuler les vidéos de ses performances. À force de persévérance, il est repéré et recruté à 22 ans par un club. Mais l’aventure est de courte durée. Il décide de quitter le club, déçu par l’expérience et désireux de changer d’air.
S’engager comme bénévole est alors synonyme de nouveau départ. « Mes parents nous ont éduqués dans un esprit de solidarité, de générosité. C’est aussi ce que m’enseigne l’islam. Le moment était venu de me lancer à mon tour. » Le jeune homme prend contact avec plusieurs associations. La délégation du Secours Catholique de Seine-et-Marne se trouve à deux pas de chez lui.
« J’ai tout de suite été séduit par le projet et la bienveillance de l’équipe, l’ambiance chaleureuse, le sens de l’accueil… On prend le temps de t’expliquer, on fait les choses avec toi, on te laisse de l’autonomie quand il le faut. » Placé au standard téléphonique et à l’accueil, Souleymane intègre diverses équipes : les Young Caritas, l’équipe nationale Urgences-France, plusieurs comités de pilotage inter-associatifs, le Conseil d’animation national du Secours catholique, ou encore la "Young team", qui anime le réseau des jeunes au niveau national.
« C’est précieux pour moi d’avoir retrouvé un environnement où je peux me développer : je me découvre des compétences, on me fait confiance. Dans ma future vie professionnelle, je serai riche de tout ce que j’apprends au Secours. » Autodidacte en informatique, il prépare le concours d’entrée d’une école de programmation à Paris.
Impliquée dans sa paroisse de Maintenon (Eure-et-Loir), Gwenaëlle, 39 ans, aime l’action. Un temps mère au foyer, aujourd’hui enseignante et responsable d’une équipe du Secours Catholique créée juste avant la crise sanitaire, elle souhaite montrer la voie de l’engagement à ses deux filles.
« Pendant le [premier] confinement, j’allais en douce à notre local pour continuer à l’aménager. Au déconfinement, tout était installé ! » raconte Gwenaëlle, souriant à l’évocation de cette entorse aux injonctions officielles. L’équipe de bénévoles qu’elle coordonne à Maintenon n’a alors que quelques semaines d’existence. Mais pas question, pour la trentenaire, de la mettre en sommeil.
« Le confinement a réveillé un élan fraternel. Des gens de tous horizons sont venus nous voir pour se rendre utiles », témoigne-t-elle. La jeune équipe ainsi renforcée organise le portage de courses au domicile de personnes isolées. Une expérience riche : « J’aime que les choses avancent, mettre sur pied des projets d’équipe. »
Ce besoin d’être active, Gwenaëlle l’avait ressenti fortement lorsque, expatriée durant plusieurs années aux États-Unis pour suivre son mari chercheur, elle avait été maman au foyer. « Je n’ai pas de job, se disait-elle à l’époque, mais j’ai des choses dans la vie qui me passionnent. » Refusant une destinée de desperate housewife, elle crée un blog bientôt très suivi où elle partage ses bricolages maison.
« Je voulais montrer à mes filles que je pouvais m’impliquer dans autre chose que la cuisine ou le ménage. » De retour en France, dans la coquette maison que le couple achète à Maintenon, Gwenaëlle s’investit dans l’aménagement de cette dernière, dans la scolarité de ses filles ou encore dans l’association locale qui fait revivre le château lors d’un spectacle immersif annuel. « Et puis les filles ont grandi, et je me suis rendu compte que j’enviais la vie sociale de mon mari. »
Je veux transmettre à mes filles un modèle de femme engagée.
Alors Gwenaëlle renoue avec une activité professionnelle, devenant documentaliste et enseignante, et elle donne un second souffle à son implication dans la paroisse. S’appuyant sur sa bonne entente avec le prêtre, elle lui propose de « mener des projets pour les plus pauvres ». D’abord de l’accompagnement scolaire, puis un “café des femmes”.
« Je sais ce que c’est que de se sentir à l’étroit dans un monde peu valorisant à s’occuper de la “marmaille”. Alors j’ai imaginé un endroit où les femmes – mères ou non – puissent vider leur sac », explique-t-elle. La mairie proposant un local, Gwenaëlle se saisit de l’opportunité et crée une équipe estampillée Secours Catholique. La crise sanitaire qui marque les débuts de l’aventure n’entame pas sa conviction, au contraire. « On est tous faits pour se tourner vers les autres, observe-t-elle. Je veux transmettre à mes filles un modèle de femme engagée, afin qu’elles n’hésitent pas à faire de même un jour. »
Depuis sept ans, Roselyne anime une chorale avec des personnes détenues à la maison d’arrêt de Bapaume, dans les Hauts-de-France. Outre sa passion pour la musique, elle leur apporte une amitié sincère et profonde.
« Emmenez-moi au bout de la terre… » : les paroles de Charles Aznavour résonnent entre les murs de la maison d’arrêt de Bapaume. Nous sommes avant la pandémie de Covid-19 et Roselyne dirige sa chorale avec des yeux qui pétillent.
Face à elle, une trentaine d'hommes et de femmes. « Ils sortent de leur cellule et on chante ensemble. Savoir pourquoi ils sont détenus ne m’intéresse pas. Une réelle amitié se crée », explique ce petit bout de femme de 78 ans qui raconte avoir eu les larmes aux yeux quand ses choristes ont mis un point d’honneur à lui fêter son anniversaire avec gâteaux et cartes postales.
Enfant, Roselyne voulait déjà travailler dans la musique, mais son père ne l’entendait pas ainsi. Finalement, après trois années de médecine et une péritonite qui la tient hospitalisée durant six mois, elle revient à son projet et s’engage dans des études de musique puis l’enseignement musical.
« Je ressens un épanouissement total quand je chante ou que je joue du piano. C’est le meilleur moyen pour entrer en lien avec des gens. Je le vois en prison, il y a quelque chose de divin dans la musique. Partager ma passion me nourrit. » Son premier contact avec le monde carcéral se fait alors qu’elle est encore professeur : Roselyne correspond avec des détenus en prison « pour leur apporter un lien avec l’extérieur ».
Puis, en 2014, alors que l’heure de la retraite a sonné, on lui propose d’animer une chorale à Bapaume, une activité qu’elle mène désormais en lien avec le Secours Catholique des Hauts-de-France.
Ça me fait autant plaisir à moi qu’à eux de passer du temps ensemble.
Roselyne considère ses chanteurs derrière les barreaux comme des amis : « Les actes qu’ils ont commis appartiennent au passé. Je les vois comme des gens qui vont sortir un jour et qui ont besoin de quelqu’un qui leur fasse confiance. »
Alors l’engagement de la professeure ne s’arrête pas aux portes de la maison d’arrêt. Dès que les détenus sortent, elle les aide à se réinsérer. Il y a Élisabeth* et d’autres encore qui participent aux chorales de Roselyne à Arras et dans les paroisses ; il y a Jacqueline* qui lui rend service régulièrement ; il y a Éric* qui lui fait du jardinage et déjeune parfois avec elle ; il y a Jacques* qui l’appelle tous les soirs et à qui elle a trouvé un appartement.
« Je les aide à se réinsérer par amitié et estime pour eux. Ça me fait autant plaisir à moi qu’à eux de passer du temps ensemble », explique Roselyne, qui conclut : « J’ai une certaine confiance envers les êtres humains, détenus ou non. »
* pseudonyme